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L’émerveillement du voyage en Bosnie : arriver à Sarajevo

Écrit par sur 5 janvier 2021

Une douceur vaut bien un sourire. @Mélissa Pollet-Villard

L’émerveillement du voyage, cet éblouissement, cet éclat : prenons une route nationale coincée dans la forêt de Bosnie, serpentée, dangereuse. Cette route s’élève, transperce les montagnes en s’enfonçant dans des tunnels obscurs. Elle fait danser voitures et camions entre les pentes abruptes et sèches de l’été des Balkans. De grosses pierres manquent de débouler sur la chaussée, des chauffards suicidaires se faufilent entre des routiers lassés par la lenteur de leur camion. Le GPS annonce une arrivée dans quinze minutes au logement réservé, à moins d’un kilomètre du vieux centre de Sarajevo.

Quelle capitale serait capable de vous accueillir autrement qu’avec des usines, des hangars, des bâtiments de tôle et des immeubles ? Il doit s’agir d’une erreur mais comme internet fait défaut, nous conservons seulement l’itinéraire de départ sur le GPS. Encore un tunnel, encore une montée, encore des montagnes, partout. Il ne reste que dix minutes avant l’arrivée. Les vendeurs de miel sont toujours assis sur leurs chaises en plastique à l’ombre de grands chênes.

Un tramway surgit en sortant du tunnel

Nouveau tunnel, dont les véhicules sortent lancés à toute allure, virage sur la gauche, encaissé entre deux murs rocheux. La longue courbe ne dévoile rien tant elle semble interminable. Le virage s’achève, un tramway se dessine à l’horizon, tel un mirage en plein désert. Nous avançons, frein moteur, changement de vitesse, arrêt au feu rouge, ébahis. Devant nous, le tramway, carrosserie rouge écaillée, toit blanc, câbles suspendus dans le ciel bleu. La civilisation urbaine s’offre ainsi, au détour d’un tunnel, au cœur d’une forêt verdoyante, dans la cuvette des montagnes. Elle s’offre ainsi, sans préliminaires.

Carnet avec vue @Mélissa Pollet-Villard

Sarajevo s’est installée à flanc de petites montagnes, dans le creux d’un versant que nous dévalons avec appétit. Les toits de tuiles caractéristiques des Balkans rayonnent. Ils renvoient l’image des maisons dessinées par Hergé lorsque Tintin se balade en Syldavie. Les habitations, pas plus hautes que deux étages, sont encerclées de petits jardins où abondent pastèques et melons. Sur la gauche, la Sarajevo grimpante s’attaque aux pentes avec discrétion. Sur la droite, la Sarajevo aérienne rayonne avec éclat de la blancheur des tombes des cimetières musulmans, qui se postent en gardiens de la ville.

L’odeur du narguilé, des brochettes et du café turc

Sarajevo se dévoile surprenante et grouillante d’humanité, de restaurants et de cafés, d’antiquaires et de souvenirs. L’entrée de la vieille ville ottomane est matérialisée par une place où se croisent touristes et pigeons autour d’une fontaine. Il y a aussi un petit kiosque marron au toit vert entouré de marches circulaires. Le soleil arrose de ses rayons tous ces joyeux occupants de la Bascarsija, quartier traditionnel issu de l’héritage ottoman. Déjà, nous distinguons les mosquées, leurs minarets fins et pointus, leurs croissants de lune, leurs coupoles bleu-vert. Nous baissons la fenêtre et pouvons humer le fumet des brochettes de kefta, les vapeurs de narguilé à la menthe ou de café turc dont le marc colle au fond de la tasse et prédit l’avenir.

L’élégance au quotidien. @Mélissa Pollet-Villard

Tendons le bras pour se saisir d’un loukoum suave, enrobé de douceur et de chaleur. Ouvrons la bouche pour le déguster et rester bé. Nous ne sommes jamais assez préparés pour l’inattendu et c’est pour cela que quand il est aussi beau, il nous émerveille. Sarajevo, creusée dans la roche, taillée dans l’histoire, bousculée par des croyances et des différences qui l’ont tué dans le passé pour l’embellir dans le présent, se mue tout à coup en un émerveillement. Entrer par le sud-est de Sarajevo, c’est écraser les clichés de la ville sous les flammes et maculée du sang de la guerre de l’ex-Yougoslavie.

L’histoire et le parfum du renouveau

Bien sûr, si nous sortons des belles ruelles, nous sentons l’odeur de la poudre. Par exemple, en marchant à la sortie du pont où fut assassiné l’archiduc François-Ferdinand, un dimanche de juin 1914 qui mit le train de la première guerre mondiale en route. Et si nous marchons quelques minutes de plus, les stigmates de la guerre sont toujours visibles sur les hauts bâtiments administratifs fades de l’époque du dictateur Tito, certains murs étant toujours criblés de balles et d’impacts d’obus. Ils sont aussi vivaces dans les souvenirs des habitants aux maisons trouées comme des passoires par la barbarie des hommes.

Rencontre avec l’univers de l’invisible

Bien sûr, il faut toujours se souvenir du sang et de l’histoire, se rappeler des atrocités. Nous devons nous en rappeler pour n’apprécier que plus la quiétude d’une cité qui mérite d’être magnifiée. L’arrivée à Sarajevo par le sud-est, c’est un instant d’émerveillement de voyage que je range dans mon tiroir à souvenirs, celui qui offre du réconfort quand les jours sont froids, les poèmes tristes et les cafés fermés.

Lorsque je veux rouvrir ce tiroir, je m’approche à petits pas, sans me presser pour ne pas bousculer cette invitation au souvenir. Dans l’ombre, je distingue la petite poignée que je reconnais sans peine car c’est fou comme nous nous rappelons mieux de ce qui nous offre du plaisir. A peine je saisis cette poignée, je vois se dessiner un tramway rouge et blanc au bout d’un virage, au bout d’un tunnel, au cœur des montagnes. Ce tramway est toujours en mouvement, toujours vivant, toujours relié par des câbles à l’infinité du ciel bleu.


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