Marie, vivre sous la vendetta albanaise

Je rencontre Marie dans sa maison blanche, attenante à une petite ferme, située à Pukë, un village du nord de l’Albanie. Chaque jour, elle se lève à 5h pour préparer le petit-déjeuner de sa famille. Le matin, elle enseigne à l’école du village. À midi, elle reprend son rôle de maîtresse de maison, et l’après-midi, direction les champs. Tous les produits consommés par les touristes de sa maison d’hôtes sont issus de sa production : viande, légumes, confitures, etc. Elle met également à disposition un espace de transformation pour les habitants et habitantes du village, car pour elle, l’entraide et la solidarité, sont les piliers de l’humanité.

Une vie imposée

Pourtant, ce n’est pas la vie que Marie avait imaginée. Plus jeune, elle rêve de devenir avocate. Elle faisait partie des meilleures étudiantes de son université. Mais à cette époque, l’Albanie vivait sous la dictature communiste, et il était interdit de quitter le pays. Un lointain cousin de Marie réussit à s’enfuir, et toute la famille est condamnée pour cette “trahison”. Ils échappent aux camps de travail forcé, mais Marie doit abandonner ses études de droit pour pallier le manque d’agronomes dans le pays.

“Je me suis sentie discriminée. L’université était bien, mais ce n’était pas ce que je voulais. Mon rêve, c’était d’être avocate, alors imagine la douleur de voir ma famille condamnée pour trahison.”

Les années sous le régime communiste

Nous sommes en 1944, l’époque d’Enver Hoxha. Après une série d’invasions par les Ottomans, les Byzantins, et l’Italie fasciste, l’Albanie sombre dans une dictature de 40 ans, qui ne prendra fin qu’en 1990 après la mort naturelle du dirigeant.

Les traces de ce régime sont encore visibles aujourd’hui. Il y a bien sûr les récits de vie comme celui de Marie, mais aussi les 173 000 bunkers disséminés à travers le pays, que ce soit sur les plages, dans les montagnes, ou les villages. Il y en a même un à l’entrée de la propriété de Marie.

L’Albanie détient le plus grand nombre de bunkers

Cet épisode l’a profondément marqué, et bien que la dictature ait laissé des traumatismes, elle admet que tout n’était pas mauvais. Personne ne vivait dans la rue, le plein emploi existait, tout comme l’accès à l’électricité pour tous, et les écarts de richesse étaient moindres.

Aujourd’hui, Marie a fait le deuil de ses ambitions d’autrefois. Elle a construit une famille et est fière de tout ce qu’elle a accompli. Elle est un pilier, aussi bien pour sa famille que pour le village.

Autochtone

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