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Éloge du pèlerinage de Gaële de La Brosse

Bruno 18 décembre 2022

Éloge du pèlerinage de Gaële de La Brosse

Cette chronique littéraire Au fil des chemins et des cartes du Monde, nous guide sur les chemins de pèlerinage sous la conduite de Gaële de la Brosse à la rencontre de soi-même et des autres, à la rencontre du beau et du sacré.

S’il est un mot qui suscite l’intérêt et provoque l’imaginaire de chaque randonneur c’est bien celui de pèlerinage. Il conserve par devers lui tant de mystère et d’histoire passée, tant de promesse de rencontre et d’instant magique vécu dans l’intimité. Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont pris le chemin pour arpenter leurs propres besoins de rédemption et de sacré. A quel appel impérieux ont-ils cédé ? Et pourquoi vers tel endroit plutôt que vers tel autre ? Qu’en ont-ils parcouru des distances ces pèlerins d’hier par tous les temps et dans toutes les directions ! Et cela continue aujourd’hui, quelles que soient les raisons qui poussent les nouveaux pèlerins à se mettre en marche.

Cofondatrice du réseau Chemin d’Etoiles

Des livres sur les pèlerinages ont paru en nombre. Tant d’écrivains se sont essayés à décrire les multiples chemins, à comprendre les motivations des marcheurs, à décortiquer les raisons du développement de tel ou tel site au fil des siècles. Le livre de Gaële de la Brosse n’en est pas un de plus car il rassemble une mine d’informations, de réflexions et de témoignages indispensables. En effet, l’auteur nous livre tout d’abord quelques clefs de compréhension de ce phénomène universel et intemporel. Puis elle raconte une vingtaine de pèlerinages qu’elle a effectué en France, débordant sur l’Espagne, le Portugal, la Pologne et l’Italie. Ces moments sur les chemins comptent parmi les plus beaux de sa vie.
Et concernant le thème du pèlerinage, Gaëlle de la Brosse sait de quoi elle parle. Écrivain, conférencière et journaliste, cela fait plus de trente ans qu’elle marche sur les chemins et livre son témoignage incarné et sensible. Elle est l’auteur d’une dizaine de livres et cofondatrice de la revue et du réseau Chemins d’Étoiles.

Éloge du pèlerinage de Gaële de La Brosse au fil des pages sur allo la planete

Sur les chemins du Tro Breiz. © Jean-Yves Guéguéniat

Mille façons de pérégriner

Il existe mille façons de pérégriner, presque autant qu’il y a de pèlerins. Marcher pour un motif religieux, spirituel, intime ou tout autre, peu importe, l’essentiel est d’avoir sa propre raison pour avancer vers un but qu’on est le seul à connaître. Un seul signe suffit souvent, traduisant une invitation au départ. L’accueillir est alors la source d’un immense bonheur, même si le chemin est parfois synonyme de souffrance et de dépassement de soi. Page 17, Gaële de la Brosse écrit : « Dans un voyage, dit le proverbe romain, le plus long est de franchir le seuil. On pourrait ajouter que le plus difficile est de répondre à l’appel qui nous invite au-dehors. Le rythme quotidien, bien qu’il soit parfois contraignant, a des composantes rassurantes : il est balisé de repères connus, de sécurités domestiques, de rituels éprouvés au fil des ans. Même les imprévus peuvent être, le plus souvent, maîtrisés. A contrario, partir en pèlerinage, c’est changer d’environnement. C’est se soumettre à l’inconnu, s’exposer à l’incertitude et quelques fois à la peur. »

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Sur le chemin de Saint-Yves, vers Tréguier (Côtes-d’Armor). © Yves Girault

Marcher c’est devenir

Partir sur le chemin du pèlerinage c’est tout abandonner derrière soi, même provisoirement. Le sac à dos et le bâton nivellent le rang social et chacun se retrouve l’égal de l’autre. Marcher c’est devenir et Gaëlle de la Brosse affirme, page 31 : « La marche est alchimie, elle est métamorphose. Le moine thérapeute Anselm Grün remarquait d’ailleurs qu’en allemand, marcher (wandern) et se transformer (wandeln) ont la même racine : devenir (werden). La marche est, par essence, changement, progression, purification. Elle est le creuset où se consument les impuretés pour raboter le corps et purifier l’âme. » Alors marcher oui, on sait désormais pourquoi, mais marcher vers où ? Si on peut marcher juste pour le plaisir de l’activité physique, pour le pèlerin, la marche n’est qu’un moyen, un outil lui permettant d’atteindre le but espéré. Bien sûr quand on évoque un chemin de pèlerinage on pense tout de suite à Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice espagnole, Shikoku au Japon ou encore le mont Kailash au Tibet. Il en existe pourtant beaucoup d’autres et il faut bien reconnaître que, pour la grande majorité, ils puisent leur racine dans les histoires des croyances religieuses. Ceci-dit, parmi tous les pèlerins qui empruntent le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, combien sont-ils à trouver encore leur motivation dans la religion ?
Le pèlerinage est une démarche solitaire qui se vit en communauté. Entre pèlerins sur le chemin, on se reconnaît, on s’entraide au besoin.

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Sur le chemin de Saint-Yves, vers Tréguier (Côtes-d’Armor). © Yves Girault

Et la vie trépidante reprend…

Gaëlle de la Brosse l’évoque ainsi, page 82 : « A côté des bonheurs en solitaire que connaît le pèlerin sur le chemin et dans l’instant intime de la rencontre, il y a la place pour le partage, l’échange, la joie collective. »
Et s’il existe le temps du départ, il ne faut pas nier le temps du retour. Là où finit un chemin, un autre commence : c’est un cycle sans fin. Mais au bout du chemin de pèlerinage, pour le pèlerin, il y a le retour à tout ce qu’il avait renoncer en partant. Parfois le choc est rude. Au pas tranquille et obstiné du marcheur, à la sérénité de chaque soir à l’étape, se substitue la vie trépidante d’avant, l’agitation et la vitesse. Il faudrait pouvoir revenir de son pèlerinage à l’aide d’un second pèlerinage, comme pour achever une boucle…

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Sur les chemins du Mont-Saint-Michel. © Anne-Laure Timmel

Premières itinérances en Bretagne

La seconde partie du livre de Gaëlle de la Brosse dresse le tableau chronologique de ses pèlerinages au fil du temps sur les chemins de France et d’Europe. Ses premières itinérances furent bretonnes. Dès l’adolescence, le cœur serein et l’âme en fête, elle arpenta les chemins qui l’emportaient vers des lieux sacrés. Puis il y eut le voyage vers Chartres. La découverte de ce sanctuaire comme un choc en page 110 : « Ce lieu a quelque chose de sauvage. Dans La Quatrième Rhapsodie de l’Homme Foudroyé, Blaise Cendrars voyait dans cette cathédrale la première évocation de la forêt vierge. » Elle y revint plusieurs fois. Suivirent les chemins du Portugal, de l’Italie, de la Pologne. Mais l’essentiel se situait encore ailleurs. Gaële de la Brosse avait rendez-vous avec le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle le suivit de nombreuses fois et il finit par inscrire profondément son sillon en elle. Page 141 : « J’ai ensuite continué à arpenter les voies jacquaires et, sur ce thème, à organiser des évènements, écrire des articles, publier des livres. Si bien que peu à peu, la présence de ces chemins s’est imposée au cœur de mon existence. »

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Sur le chemin de saint Martin de Tours, près d’une borne balisant le chemin. © Antoine Selosse

À chacun de trouver son chemin

Il y eut bien sûr aussi le Mont Saint-Michel, Rocamadour, la Sainte-Baume, Vézelay et tant d’autres lieux espérés, rêvés. Il ne saurait être question d’en dresser ici la liste exhaustive. On ne résume pas une vie d’itinérance en quelques lignes. Le livre de Gaële de la Brosse n’en a pas non plus la prétention car son texte est avant tout un vibrant hommage au pèlerinage ou plus exactement à l’idée du pèlerinage. Son exemple n’est pas à suivre c’est à chacun de trouver son chemin pour trouver sa voix spirituelle, symbolique ou existentielle. L’auteur écrit en page 200 : « Nous pouvons donc, à présent, l’affirmer : si le pèlerinage a retrouvé sa vigueur, c’est parce qu’il répond à la quête essentielle de l’homme. Il invite à se rapprocher de la nature, que les citadins ont un peu oubliée. Il permet de se remettre en mouvement, alors que nous sommes de plus en plus sédentaires. Il nous réapprend la lenteur dans ce monde saturé de vitesse. Il nous désencombre du superflu et nous fait redécouvrir les bonheurs simples. » Et d’ajouter pour conclure son récit : « Les chemins de pèlerinage sont les artères de la planète. Qu’ils conduisent notre force vitale du corps jusqu’au cœur !… Chaque horizon est une promesse, chaque pas une victoire. L’essentiel de la vie est là, dans la lumière des chemins, dans la pénombre des sanctuaires. »

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Éloge du Pèlerinage, de Gaële de la Brosse aux éditions Salvator, est disponible chez tous les bons libraires.