Compostelle, un chemin intérieur
Bruno 4 décembre 2022
Cette chronique littéraire au fil des chemins et des cartes du Monde, nous emporte sur un double chemin, l’un menant vers le sud en direction de Saint-Jacques-de-Compostelle et l’autre menant à soi grâce au livre de Morgane Le Moelle « Compostelle, un chemin intérieur »
Marcher vers soi et suivre ses rêves car ils connaissent le chemin : tel pourrait être la raison d’être de cet ouvrage profond et sensible, et de surcroît magnifiquement écrit. Marcher et écrire n’était aucunement les spécialités de Morgane Le Moelle. Elle signe ici son premier livre et avant de se lancer dans cette aventure, elle n’avait jamais fait plus qu’une petite balade à pied. Mais quand l’appel du départ devient pressant, il ne peut être question de l’ignorer.
Ce texte use grandement et avec bonheur du langage des oiseaux. Ainsi la magie (en un seul mot) de l’appel du départ est la traduction de l’âme agit (en deux mots), l’âme agissant et l’esprit se mettant en mouvement. Sur le double chemin de l’auteur, qui en réalité n’en font qu’un quand le deux redevient l’unité retrouvée, l’enseignement et l’introspection sont toujours présents. Il suffit d’ouvrir les yeux.
Morgane Le Moelle aime rendre visible l’invisible. Elle est praticienne en hypnose et accompagne l’autre dans la recherche de son épanouissement personnel. Elle partage sa vie entre une sédentarité bretonne et une itinérance à laquelle elle donne toujours un sens essentiel. Dernièrement elle est repartie en suivant la Loire jusqu’à ses sources avant de revenir à son point de départ en canoé ; elle a intitulé ce voyage Retour à la source par la voie royale. Retour à la source physique du fleuve mais aussi d’elle-même et voie royale en référence aux nombreux châteaux de la Loire mais aussi à l’alchimie philosophique de la transmutation de la matière qui est soi par le chemin de l’introspection. Un beau programme !
1500 km de sa Bretagne natale jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle
Morgane Le Moelle écrit : « Depuis longtemps déjà, l’idée de partir un jour pour Santiago de Compostella m’habite. Elle est là, dans un coin de mon âme, discrète… Je crois qu’il est facile de se trouver une multitude d’excuses pour ne pas faire les choses qui nous tiennent pourtant tellement à cœur… L’idée est là, comme une graine qui attend patiemment sous la terre. » Oui l’idée est là, mais pourquoi germe-t-elle un jour plutôt qu’un autre ? Sans doute parce qu’on décide d’ignorer nos peurs et nos à priori, parce qu’on décide un matin que l’heure est enfin venue et que d’un revers de la main on balaie toutes les questions qui empêchent de se mettre en mouvement, car les réponses ne sont jamais sur place mais nous attendent sur le chemin. Et puis du terrain connu aux terres inconnues, il n’y a qu’un pas, le premier.
L’auteur ajoute : « Plus les jours passent et plus je sens cette graine prendre de l’ampleur. Et je résiste encore. Elle pousse. Elle me pousse. La vie me pousse sur ce chemin. Je le sais. Je le sens. Combien de temps vais-je encore résister ? Je sais pourtant que c’est la résistance qui fait souffrir. Je sens que c’est maintenant. Je m’en voudrais terriblement si ma vie passait sans que j’ose réaliser cette envie profonde. Je sais qu’il faut que j’y aille. Et pourtant… »
Morgane Le Moelle a finalement ignoré ce dernier et pourtant ; elle s’est mise en chemin le 20 juillet 2019. Mille cinq cent kilomètres de sa Bretagne natale jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle et même plus loin encore, jusqu’à la mer. Elle a su écouter son cœur et son âme plutôt que son mental. De cette itinérance de trois mois, elle a ramené ce livre sensible qu’elle offre à tous, comme un cadeau, un témoignage, une clef donnant accès à l’audace d’entreprendre car il n’y a pas de bon ou de mauvais chemin comme il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision, il n’y a que le chemin que l’on décide d’emprunter et la décision que l’on prend. Ainsi Morgane Le Moelle commença son errance consciente par la traversée de la forêt de Brocéliande. « J’aime cette forêt. Je m’y sens chez moi. Alors j’ai choisi de commencer mon chemin en marchant sur cette terre. Même si ce n’est pas tout à fait la route. Elle n’en reste pas moins ma route. C’est une évidence. Notre route n’est-elle pas celle que l’on choisit. »
Le hasard n’existe pas
Au-dessus de la chapelle de Tréhorenteuc, où l’auteur s’est arrêtée, est gravé le message : la porte est en-dedans. Ces simples mots confortent son idée que même si on part en quête partout à travers le Monde, celui qui cherche découvrira un jour que son trésor sacré se trouve au cœur de lui-même. Morgane Le Moelle sait que le chemin qu’elle suit est avant tout un chemin intérieur. Pourtant il ne s’agit pas juste de méditer et de se recentrer en rassemblant ce qui est épars. Son corps physique aussi se met en route quotidiennement et il souffre.
Face aux difficultés du chemin, rapidement l’auteur croise les bonnes personnes, attentives à sa démarche, et vit de beaux échanges. Le hasard n’existe pas, il faut simplement oser et alors la vie met tout en place sur le chemin. Oser c’est enfin ouvrir les yeux, oser c’est entreprendre pour devenir acteur de sa vie tout en ayant confiance en sa bonne étoile. Morgane Le Moelle avoue : « Une fois ma décision prise et les premiers kilomètres parcourus, mes peurs n’étaient jamais loin. Bivouaquer seule, en nature. Demander à des gens que je ne connais pas de m’héberger pour une nuit. Bien sûr que cela me demande un dépassement de soi. Bien sûr que cela me demande de lâcher mon envie de tout contrôler et de tout maîtriser. Bien sûr que cela me demande de faire confiance à la vie, de m’en remettre à elle. » L’auteur ouvre une porte grâce à ses mots choisis. Si finalement le secret du voyage se trouvait là, au cœur de la confiance que chacun peut accorder à la vie ? Peut-être que ce n’est pas plus compliqué que cela, juste une histoire de confiance.
Le texte de Morgane Le Moelle, assez classiquement pour un témoignage du chemin, se décline comme un carnet de voyage, chronologiquement, jour après jour. De trois mois avant son départ jusqu’au 13 octobre, l’auteur raconte son double chemin, ses surprises, bonnes et mauvaises, ses rencontres, ses pensées et ses états d’âme. Un récit joyeux, une liste de verbe qui en dit beaucoup plus qu’un long discours, un poème intitulé Ose, quelques photos en cahier central : tout dans ce livre est prétexte à réflexion, à questionnement.
Oser être soi. Oser vivre la vie qui nous inspire
« Oser. Oser être soi. Oser vivre la vie qui nous inspire. Il n’y a de compte à rendre à personne. Il y a juste à vivre ses propres expériences de vie. Chacun sur son propre chemin. » Effectivement, c’est toujours par l’exemple et jamais par les mots que l’on peut espérer faire changer les choses. C’est pour cette raison que Morgane Le Moelle est partie, qu’elle a osé.
Au jour du 31 août de son livre, elle nous offre donc cette liste de verbes qui s’enchainent les uns les autres pour tisser une véritable histoire. Juste des verbes, aucun autre mot, aucune phrase. La puissance de cet exercice nous pousse à plonger dans notre imaginaire pour dessiner cette histoire, non pas la sienne, mais la nôtre, à nous lecteur. Je ne vais pas vous lire cette liste ici, je vous la laisse découvrir et en mesurer la portée.
Pendant toute la première partie de son périple, avant de rejoindre un chemin de Compostelle plus fréquenté, elle a marché seule. Ensuite, elle fut contrainte de se mêler à la foule des pèlerins. « Oui mon voyage vient de prendre un énorme virage. Je suis arrivée à la Collégiale royale de Ronceveaux. Je ne sais pas combien nous sommes, cinq cent m’a-t-on dit. C’est immense. Et très bien organisé. La caravane de pèlerins a fait sa transhumance au milieu des montagnes pyrénéennes… ils viennent du Monde entier pour vivre le chemin. C’est fou quand j’y pense. Et si beau ! » Morgane Le Moelle écrit bien vivre le chemin et non suivre le chemin car marcher en direction de Compostelle est une expérience de vie plus qu’un exploit sportif.
L’auteur se félicite après deux mois de voyage : « Est-ce le chemin qui fait son œuvre et qui laisse le silence se diffuser en moi ? Comme si mes pensées s’étaient peu à peu tues. Ne reste que l’essentiel. Une vibration. Une paix. Un silence. Et c’est tout. » Et plus loin elle ajoute : « Mais je sais que le chemin n’est jamais fini, alors je le continuerai. Différemment… Toujours avec la certitude que tout est parfait et que le but est l’accès à la paix, la joie et l’amour de tout ce qui est. »
Compostelle, un chemin intérieur, de Morgane Le Moelle en autoédition est disponible sur le site de l’auteur : www.morganelemoelle.com