fbpx

Allo La Planète

La radio voyage

En ce moment

Titre

Artiste


Les Jardins de Zagarand

Bruno 18 décembre 2022

Les Jardins de Zagarand d’Eric de Kermel

Cette chronique littéraire Au fil des chemins et des cartes du Monde, présenté par Bruno nous livre un texte initiatique autour de l’altérité et l’amour. Une œuvre de fiction dans laquelle il fait bon se perdre pour mieux se retrouver ensuite, quand la dernière page du livre est tournée. Un texte signé Eric de Kermel : Les Jardins de Zagarand.

Journaliste et éditeur de magazines de nature, Eric de Kermel puise à la source même des mots pour proposer d’autres façons d’habiter la terre. Ayant grandi entre l’Amérique du Sud et le Maroc et se nourrissant quotidiennement de la nature l’environnant, il explore un monde utopique qu’il dessine page après page, un monde bâti sur un idéal d’amour, d’altérité et de conscience de soi-même et de l’autre. Un monde explorant l’âme humaine et ce qu’elle a de plus secret et de plus beau. Un monde, s’il existait réellement, qu’il serait bon de rejoindre afin de poursuivre son édification, tous ensemble. Paul Eluard pensait qu’il existe un autre monde mais situé dans celui que nous vivons quotidiennement, alors Eric de Kermel nous suggère de chercher en nous-mêmes les ressorts pour accéder à une utopie qui ne l’est peut-être pas tant que cela. Fable, utopie, peu importe d’ailleurs le qualificatif donné à ce récit, l’essentiel est qu’avec ses mots, choisis et ciselés, l’auteur nous offre une bouffée d’humanisme au cœur de nos chaos intérieur et extérieur.

Eric de Kermel dans Au fil des pages sur allo la planete pour présenter son livre Les jardins de Zagarand

Et si la mort n’était qu’une illusion…

L’histoire débute avec la lettre qu’une sœur écrit à son frère, Paul, à la suite du décès du fils de ce dernier. Elle l’invite à le rejoindre à Zagarand. Cette lettre est comme un billet pour un voyage salutaire, une expérience unique à vivre. Dans cette lettre, cette sœur écrit : « L’Occident ne sait que faire de ses morts qui l’encombrent et dérangent le cours de son fleuve. Au lieu de vivre avec, il tente de les taire, les oublier, les perdre à jamais pour que le fleuve continue de couler entre les digues. » L’idée forte de ce roman initiatique est de répondre à ce constat, lui bien réel, par la proposition que la mort ne puisse être qu’une illusion. Sur le chemin, l’auteur met son personnage principal, le frère, dans une situation de décrochage face au réel. Illustration à la page 27 : « Ces heures passées dans ce bus ont fait taire le temps. » Puis à la page 35 : « Ne plus penser que je marche n’arrête pas non plus ma pensée. » Enfin à la page 46 : « Le chant des oiseaux accompagne le vent. Est-ce pour répondre aux oiseaux que les hommes ont chanté la première fois ? » Petit à petit, l’auteur nous invite à pénétrer cet autre monde qu’il livre avec parcimonie comme pour que nous puissions mieux en apprécier la justesse, en comprendre les raisons et en adopter les valeurs et les principes.

Eric de Kermel dans Au fil des pages sur allo la planete pour présenter son livre Les jardins de Zagarand

Un plaidoyer pour la beauté et la richesse de la nature

Eric de Kermel pose sans cesse la question de ce que l’homme a fait de la terre, de sa façon de vouloir toujours tout dominer, ce qu’il regrette amèrement comme le prouve ce passage page 49 : « Est-il un seul geste humain, une seule main virtuose, un seul génie qui puisse se mesurer aux lagons indiens, aux pointes tutoyant le ciel des Himalayas, à l’étoile de givre posée sur la feuille qui vibre au soleil avant de disparaître ? Est-il un seul château de Versailles, une seule cathédrale dorée de tous ses ors, une seule grande mosquée aux marbres sculptés qui puisse rivaliser avec le temple des forêts de séquoias, les prairies fleuries au printemps ou les chants des oiseaux dans cette palmeraie pour célébrer les mystères de la vie ? » Ce plaidoyer magnifique pour la beauté et la richesse de la nature devrait nous inciter à nous poser au moins une fois la question : qu’est-ce que je fais ici et comment je le fais ?
Les Jardins de Zagarand est un voyage en une terre rêvée pour, non pas réapprendre à vivre, mais bel et bien tout désapprendre pour enfin apprendre à vivre. Un voyage où le temps ne compte plus si ce n’est pour arriver à être pleinement présent au temps présent. A cet instant je ne résiste pas au plaisir de vous partager une réflexion d’Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences : « On pourrait dire que le temps, c’est ce qui fait que tout instant présent, dès qu’il apparaît, est remplacé par un autre instant présent. Le temps est ce qui garantit la présence du présent en permanence. Un présent renouvelé, mais toujours présent. » Peut-être que derrière ces mots se cachent le secret de la vie. Etre présent au présent, c’est ce que fait vivre Eric de Kermel aux personnages de son roman. Mais que faire de ce temps reconquis sur le temps ?

Plongée dans les valeurs essentielles de l’humanité

Au fil des pages, Paul, le personnage principal, apprend donc à vivre autrement, à reconsidérer les autres et les rapports qu’il entretient avec eux et avec lui-même. Au début de son séjour à Zagarand, il passe vingt-et-un jours à oublier ce qui devait l’être, à faire renaître ce qu’il avait oublié et à découvrir des choses dont il n’avait pas idée.
Ce roman est ainsi une plongée dans les valeurs essentielles de l’humanité, de la conscience de l’homme d’appartenir à la nature, à un tout et non l’inverse. Chaque instant de vie de Paul est prétexte à questionnement et à émerveillement. Même le pain est un voyage. A la page 106 : « Ce pain est un voyage. Les arômes racontent l’encens que j’ai connu en Indes, mais également les poivres de Madras et les épices transportées par les caravanes et que l’on trouve dans les grands sacs de jute sur le souk de Ouarzazate… Dans ce pain il y a les yeux de ma mère et la chaleur de ses bras. »

 

A chacun de tracer son chemin sprituel

Pour Paul, une fois accepté au sein de la société de Zagarand, le voyage se poursuit le long de la rivière Izir à la découverte des origines de cette si belle utopie, en sept arrêts comme sept étapes fondamentales de la vie.
Bien sûr, l’auteur aborde le sujet de la spiritualité. Il ne peut exister une vie sans le ressenti de son sens profond qui l’anime. La matière sans l’esprit reste sèche et froide. A la page 139, Eric de Kermel écrit : « Ici il est proposé à chacun de tracer son chemin spirituel. Peu importent les sources et les codes, mais si tu oublies de tracer ce chemin, c’est un peu comme si tu n’étais pas allé explorer la face cachée de ton cœur. La spiritualité est un tiers lieu de nos vies. Une dimension qui s’ouvre et à laquelle chacun peut accéder quelle que soit sa condition. Souvent les hommes la découvrent dans la douleur de la maladie, de la tristesse ou de la pauvreté. A Zagarand, par ce détachement matériel qui est une règle de vie, par leurs rites, par la culture de la relation à soi, aux autres, et à la nature, la spiritualité n’est pas comme une option, mais comme le moteur, l’étincelle de l’énergie vitale, le lieu où s’épanouit notre relation à tout ce qui vit. »

Un chemin d’espérance

A la question qui lui était posée pour définir son ouvrage, Eric de Kermel répondait : « Les Jardins de Zagarand trace un chemin d’espérance où je m’engage en éclaireur en espérant être suivi par quelques-uns. J’ai voulu faire ma part, comme écrivain, pour rallumer un feu qui donne envie de le nourrir, de s’y retrouver pour chanter, même aux confins du désert. »
Bien sûr je ne vais pas dévoiler ici les étapes du chemin que l’auteur fait vivre à Paul, les cadeaux que la vie lui fait parce qu’il est désormais en capacité de les recevoir, car au-delà de la spiritualité de ce texte se développe une véritable histoire de vie.
Je ne vais pas dévoiler la gratitude de chaque instant. Non je ne vais rien dévoiler car je vous invite à mettre vos pas dans ceux de Paul. Je vous invite à déguster lentement ce livre comme on boit à petites gorgées un thé aux arômes envoûtants. Ainsi, lire le roman d’Eric de Kermel, c’est l’assurance de partir en voyage instantanément et dans toutes les dimensions. Après, une fois le livre clos, il suffit de fermer les yeux pour poursuivre le voyage en rêvant tout simplement à ces mots si finement ciselés…

Eric de Kermel dans Au fil des pages sur allo la planete pour présenter son livre Les jardins de Zagarand

Les Jardins de Zagarand, de Eric de Kermel aux éditions Flammarion, est disponible chez tous les bons libraires.