Carnets de voyage

Voyage en stop : de l’espoir à l’horizon

Écrit par Boris Pierard sur 15 avril 2021

Rencontre en stop

Un homme me prend en stop, il a la quarantaine, marié et a deux enfants.
Il travaille dans la construction. Nous faisons 200km ensemble vers le nord de la Turquie.

Dans la voiture, les paysages spectaculaires défilent. Nous avons déjà parcouru un quart du chemin. Nous traversons des plateaux à plus de 2000 mètres d’altitude. C’est le mois de novembre et les premières neiges sont tombées. La journée est baignée de soleil et de lumière.
Et cet homme ne comprend pas pourquoi je voyage…

Un échange commence…

Avec une voix posée il s’interroge sincèrement sur ma démarche :
” Tu dois rester avec ta famille, travailler pour eux ! En plus tu voyages et tu n’as pas d’argent ! Il faudrait penser raisonnablement ! Quand vas-tu retourner en Belgique ? La vie ce n’est pas ça… Il faut construire, avoir une femme, des enfants et un travail!”
– En effet, vous avez raison, et vous, avez-vous tout ça ?
– Oui !
– Et cela vous rend heureux n’est-ce pas ?
– Oui chaque jour je suis fier de travailler pour ma famille !
– Et au fond de vous, avez-vous des rêves ?
Peut-être même que vous aviez un projet ou un rêve que vous avez mis de côté parce que vous vous êtes dit, non j’ai une famille et des responsabilités….
– Euh… Oui! Je voulais ouvrir un restaurant.
– Pourquoi ne l’avez-vous pas ouvert ce restaurant ?
– Parce que je n’avais pas les fonds nécessaires.
– Aujourd’hui avez-vous la possibilité de le faire au niveau financier ?
– Oui
– Pourquoi ne le faites vous pas ?
– Je n’ai pas le temps…
– Et pourtant c’est votre rêve, non ?
– Oui…

– Vous voyez, c’est pareil pour moi… Je n’avais pas l’argent pour partir et je n’avais pas le temps non plus ! J’ai repoussé mes objectifs en attendant obtenir ce temps et cet argent. J’ai attendu, attendu en me disant, ça va arriver ! Mais en réalité, et vous le savez, cela n’arrive pas !
– Oui c’est vrai…
– Pourquoi travaillez vous dans la construction ? Pourquoi ne travaillez vous pas dans un restaurant ?

Merci le stop pour ces échanges …

Le silence dans la voiture, juste le bruit du moteur et devant nous cette route, une grande ligne droite à l’infini.

Peut-être qu’une ou deux minutes s’écoulent avant que l’échange ne reprenne :

– Voilà pourquoi je voyage, j’avais aussi une vie comme vous, une voiture, un travail, un enfant… Mais au plus profond de moi il y avait une voix qui criait « je veux voir le monde !!! ».
Et j’ai simplement écouté cette voix. Aujourd’hui, je suis là avec vous, au milieu de ce paysage et je suis tellement heureux !
C’est comme un rêve, chaque jour je découvre de nouvelles choses, parfois c’est difficile, mais j’ai le sourire car je me sens vivre !
Et je suis certain que vous ressentez ça aussi quand vous rentrez chez vous et que vous voyez vos enfants, votre maison, votre femme, que vous appréciez vos collègues et votre travail.
Le principal c’est de se sentir heureux avec ce que l’on fait et ce que l’on a… Même si cela n’est pas notre rêve, au moins ça nous donne de l’espoir.
Quand j’aurai fini le tour du monde, vous imaginez, je vais devoir le refaire!

Là, le monsieur rigole et me dit :
– Tu es un grand philosophe toi !
Nous rigolons ensemble.

Arrivés dans la ville de Trabzon vers 20h30, je descends de la voiture, prends mon sac à dos et ma guitare dans le coffre, il sort de la voiture et me dit :
– Attends, suis moi je vais t’offrir une chambre d’hôtel pour cette nuit. Ça me fait plaisir de t’aider.

Merci aux rencontres grâce au stop, merci à cet homme, merci du fond du cœur !
L’entraide ça réchauffe…C’est pour cela que je voyage, pour vivre la chaleur humaine. Celle qui vient du cœur, celle qui nous fait briller et qui embellit notre âme.