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Un Horizon Rouge, 5000 Km à pied à travers l’Australie

Écrit par sur 30 novembre 2021

« Être assez naïf pour avoir des rêves, assez fou pour les croire possibles, assez obstiné pour les réaliser », voilà les trois qualités (ou défauts) qui m’ont poussé à traverser l’Australie à pied. Je t’emmène à mes côtés pour découvrir quelques secrets de mon aventure « Un Horizon Rouge ».

Les légendaire Roadsigns

La préparation d’Un Horizon rouge

Traverser l’Australie à pied… Qu’est-ce qui a bien pu me passer par la tête pour que naisse le désir d’une telle aventure ?

Tout est partie d’une feuille blanche sur laquelle je me suis amusé à inscrire mes rêves. Voir tous les pays du monde, faire l’ascension d’un 8000 mètres, séduire Jessica Alba, à défaut d’obtenir le prix Nobel de médecine au moins que la science donne mon nom à une maladie, avoir une Rolex avant 50 ans pour pas avoir raté ma vie, faire une grande traversée à pied.

Vu le titre de l’article vous aurez tous compris ce que j’ai choisi. En me penchant sur une carte du monde, mon choix s’est vite porté sur l’Australie. Des paysages infinis, une nature brute à la beauté sauvage et originelle, bref, le terrain parfait pour une telle expédition. Voilà mon projet, traverser l’Australie depuis Byron Bay, le point le plus à l’est jusqu’à Steep Point, celui le plus à l’ouest. Entre les deux, 5000 kilomètres au cours desquels se dresseront face à moi les mythiques déserts de Simpson et de Gibson.

Avant d’en parler autour de moi, je prends déjà le temps d’en étudier la faisabilité. Durant plusieurs semaines je passe au crible le parcours sur Google Map. Très vite la traversée des deux déserts se pose comme le passage critique. Mon épouse Jennifer, mes amis Cyril et Marie-Anne passeront avant moi en voiture pour me déposer du ravitaillement en chemin. Puisque la solution est trouvée il ne reste plus qu’à tout préparer. Réunir le budget, l’achat du matériel, l’entrainement physique, les demandes de visa et tout l’administratif, ceci me prendra deux ans à tout mettre en place comme je le détaille dans mon livre « Un Horizon Rouge ».

Rencontre avec Shirley et Stephen

La 1ère semaine d’Un Horizon Rouge

13 Mars. C’est le grand jour. L’émotion est déjà grande. Ces pas sont les premiers d’une interminable série qui doit me mener de l’autre côté de cette île continent.

Toute la première semaine j’avance au rythme d’une quarantaine de kilomètres par jour. Je tire derrière moi mon chariot Ultreïa qui supporte les quinze kilos de matériel. Avec lui nous ne passons pas inaperçus. Il a l’avantage d’éveiller la curiosité de toutes les personnes que je croise sur ma route. On me klaxonne, me salue, m’encourage, m’offre à boire ou à manger. L’accueil est génial.

Un soir c’est Alison, une octogénaire, qui m’invite chez elle pour une soirée pizza. Un autre, je passe des heures à échanger avec Stephen et Shirley, un couple d’artistes aborigènes. Une autre fois encore c’est Sanatani qui m’ouvre les portes de sa communauté Hare Krishna et tous mes préjugés volent en éclats. Dans mon esprit c’était une secte dont les membres portent des toges, des tongs et chantent des airs religieux avec des fleurs dans les cheveux. Toutes ces rencontres sont d’un grand réconfort face à ce nouveau quotidien que je découvre et qui sera le mien pour les six prochains mois.

Ces premiers jours sont très difficiles. J’évolue sur de vraies montagnes russes. Le soleil est assommant. Je souffre de très grosses ampoules aux pieds. Quand elles s’infectent et se remplissent de sang je me décide à consulter un médecin. Petite opération, prescription d’antibiotiques, feu vert pour continuer et rencontre miracle dès le lendemain. Sur une aire de repos je rencontre Émeline, une Toulousaine, infirmière de profession. Nous sympathisons immédiatement et elle reste deux jours avec moi pour soigner mes pieds.

La lune pour unique témoin

Marcher sous la lune

Une voiture de police me dépasse. Elle s’arrête sur le bas-côté. L’officier me demande ce que je fais ici. J’explique mon projet d’expédition. C’est ici sur cette route qu’il m’apprend la nouvelle. Le Covid a été déclaré pandémie mondiale. Les frontières vont fermer. Le pays va être confiné. Je dois faire demi-tour, retourner sur Brisbane, prendre un avion tant qu’il est encore temps et vite rentrer en France. Le message est alarmant. Pas assez pour me faire renoncer. Je décide de continuer coûte que coûte.

Pour être plus discret et avancer sans encombre, je prends la décision de marcher de nuit. Je traverse les petites villes sans m’arrêter. La journée j’installe mon camp dans un coin loin de tout. Sous la lueur de la lune je marche près de 50 kilomètres chaque nuit. Une crainte me saisit alors. Et si je pose le pied sur un serpent ? Cela paraît quand même très improbable. Pour ne pas céder à la panique je m’accorde un compromis. Lorsque j’ai du réseau téléphonique pour appeler au secours j’éteins ma lampe et marche dans le noir complet. Dans le cas contraire j’allume ma frontale pour mieux voir devant moi.

Georges, ma rencontre miracle, adapte mon chariot à la suite du parcours

Arrivée à Roma

Les dernières nuits ont été éprouvantes. Physiquement, nerveusement, moralement, je suis épuisé. Ce matin je déambule dans les rues de la petite ville de Roma aux portes de l’Outback. Sur le trottoir un homme me sourit. Je vais lui parler. Georges est un Français à la retraite installé ici depuis 1972. Il m’apprend que le confinement a été déclaré. Je n’ai plus le droit d’avancer. Je suis bloqué ici. Nous discutons cinq minutes et il m’héberge pour les deux prochains mois.

Deux mois à l’arrêt complet ! Dans mon malheur je suis idéalement installé mais ce contre-temps bouleverse tous mes plans. Avec les frontières fermées personne ne peut venir me ravitailler dans le désert comme prévu. J’avais aussi calculé mes traversées en hiver lorsque les températures sont les plus clémentes. Avec ce décalage elles vont grimper en flèche. Tout seul et sans assistance ce sera impossible. Cependant il est hors de question que j’abandonne.

Même si la solution me donne d’abord l’impression de trahir le projet de base je n’ai pas d’autre choix que m’adapter à cette situation exceptionnelle. Je continuerai à vélo.

En attendant je tue le temps et espère pouvoir vite reprendre le cours d’Un Horizon Rouge. Mes journées sont rythmées par les exercices physiques pour me maintenir en forme, les heures entières à discuter avec Georges, les balades dans le bush avec un policier de la ville, Michael, et min rituel du soir avec les sublimes couchers de soleil. Finalement tout ceci a l’avantage de donner une dimension nouvelle à mon aventure. Jusque-là je croisais les gens. À Roma je les rencontre.

En route !

Un nouveau départ pour Un Horizon Rouge

Début juin. Enfin libre. Je peux de nouveau me déplacer sans contrainte dans le Queensland.

Ce nouveau départ est plein d’émotion. C’est à la fois de la tristesse de quitter Georges, de la gratitude envers son accueil et une joie infinie de reprendre la route. Un véritable soulagement… vite douché par l’apparition de nouvelles douleurs. Plus de problème d’ampoules aux pieds mais je souffre beaucoup de genoux et du derrière. Rouges et irritées, des vraies fesses de bébé.

Pour rattraper mon retard et respecter au mieux mes délais, je roule plus de 100 kilomètres chaque jour. À la sortie de Charleville je décide en une seconde un important changement de parcours. Continuer tout droit comme prévu depuis des mois ? Prendre plus au nord ? Par le sud ? Je dois prendre en considération que chaque État applique ses propres restrictions sanitaires. J’opte pour la troisième option, m’imposant ainsi un détour de 1000 kilomètres. L’avenir me dira si c’était la bonne stratégie. J’aime cette liberté d’être l’unique décideur de mon destin.

Un Brown Snake sous ma tente

La nuit dans le bush

Les nuits dans le bush sont le moment de la journée que je préfère. Bien sûr parce que je peux enfin me reposer après avoir souffert dix heures sur mon vélo avec le vent de face, mais pas seulement. Chaque soir j’aime découvrir l’endroit où je vais installer mon bivouac.

Mon abri mesure à peine 2m2 mais donne sur un parc immense de plus de 7.5 millions de Km! Le bonheur ! Le silence absolu, le ciel étoilé, même la découverte d’un brown snake sous ma tente ne parvient pas à gâcher mon plaisir. C’est le deuxième plus venimeux du pays. J’ai été chanceux de m’apercevoir à temps de sa présence.

Une autre fois un orage s’abat sur moi. Je sens la tente flotter. Je suis à présent au beau milieu d’un lac sans pouvoir fuir nulle part Je vais mourir noyé dans le désert. Ça fera con sur la pierre tombale L’eau monte toujours et je passe la nuit assis dans la boue. Dame Nature décide de m’épargner. Le déluge cesse enfin.

Quelques jours plus tard je sens le sol vibrer sous mon corps allongé. C’est le rebond de quelques kangourous curieux de me trouver sur leur territoire. Deux dingos hurlent à la lune. Frissons garantis !

Suivre les pistes

Un Horizon rouge devient illégal

Un obstacle de plus se dresse devant moi. Ma stratégie prise à Charleville et mon choix de passer par le sud sont peut-être une erreur. La frontière de l’État d’Australie du Sud est fermée pour encore un mois C’est un nouveau coup dur après le retard accumulé à Roma. Le moral en prend un coup.

Alors que je prends une pause dans une roadhouse, deux routiers me disent de continuer malgré tout. Ils m’affirment qu’il n’y a aucun contrôle policier. Seul et à vélo je devrais passer sans encombre. Je décide de suivre leur conseil et traverse prudemment la frontière. Si les forces de l’ordre m’attrapent c’est 1000$ d’amende !

Pour limiter le risque j’emprunte une piste à travers le bush. J’avance ainsi en toute discrétion durant plusieurs jours. En manque de ravito je retourne sur la route principale et bien évidemment je tombe sur un barrage de police. Ils m’interrogent pendant plusieurs heures. Je m’efforce à leur cacher que je suis ici illégalement et leur fais croire que je suis dans l’État depuis plusieurs mois. Ils finissent par me laisser repartir et m’offrent même un repas ! Ouf ! Je peux continuer !

Aux portes du terrible Nullarbor

Le terrible désert du Nullarbor

Autant j’avais bien étudié les déserts de Simpson et de Gibson, autant je ne connais pas grand chose concernant le Nullarbor.

Lorsque j’annonce aux Australiens que je compte le traverser à vélo, je vois leur visage blêmir. Ils me le décrivent comme une interminable ligne droite de 1400 kilomètres. Un décor identique jusqu’à l’horizon. Un paysage monotone de plaines infinies balayées par des vents violents et des tempêtes glaciales venues tout droit d’Antarctique. Nous sommes bien loin de l’image que l’on peut se faire du climat australien. Tout le monde m’y prédit l’enfer.

J’avance ainsi durant plusieurs jours jusqu’à la frontière avec le Western Australia. De l’autre côté il y a quatre cas actifs de Covid sur une superficie grande comme quatre fois la France. C’est pourtant l’état d’urgence. La police m’intime l’ordre de rebrousser chemin. Cette fois-ci je risque 50000$ d’amende et 6 mois de prison si j’entre illégalement. Un Horizon Rouge semble bel et bien condamné.

Maudite frontière

Maudite frontière

Cela fait dix jours que je négocie mon passage avec la police. Cette situation me dépasse. Dans ma bulle, loin de tout depuis des mois, j’ignore tout du Covid. Je ne sais rien des termes de “cas-contact” ou “asymptomatique”. Je vois simplement que je pédale plus de 100 kilomètres chaque jour que je suis en pleine forme et que je n’ai quasiment aucun contact humain. Il est impossible que je sois malade. Tout cela me paraît insensé.

La situation ne devrait pas évoluer avant Noël. Je ne pourrai pas patienter pendant des mois en plein désert du Nullarbor. Il me faut absolument une solution. Si je trouvais un emploi à Perth je pourrais passer… Problème mon visa ne me permet pas de travailler. Je tente quand même le coup en répondant à une annonce sur internet. L’entretien téléphonique est un succès. Je suis engagé ! J’ai sauvé mon expédition.

Il me faut encore convaincre l’officier en faction devant la frontière qui n’est pas dupe de ma manœuvre. Il sait très bien que je ne me présenterai jamais à mon nouveau boulot. J’ai simplement manipulé la règle pour poursuivre mon voyage. Malgré tout il craque et accepte de me laisser passer. Il a dû me trouver trop têtu ou peut-être a-t-il eu pitié de me voir coincé ici au milieu de nulle part. Pour la forme il me faudra quand même respecter un confinement de deux semaines dans un petit hôtel du désert.

Je l’ai fait !

L’arrivée d’Un Horizon Rouge

Cette fois c’est le dernier départ. Il me reste encore 2000 kilomètres à parcourir pour atteindre Steep Point. Après tous les imprévus et toutes les embûches qui me sont tombées dessus depuis le départ j’ai enfin l’esprit libre et libéré. Seul un terrible mal au genou gauche me gêne dans ma progression mais cela n’a pas d’importance. Je serre les dents et ni le vent de face ni les averses de grêle ne parviennent à entamer mon moral.

Les 200 derniers kilomètres sont une nouvelle épreuve. C’est une piste alternant entre de la tôle ondulée, du sable mou dans lequel mes roues s’enfoncent et des dunes gigantesques à gravir. Je m’accroche…

Il est enfin là ! Le panneau ” Steep Point ” indiquant le point le plus à l’ouest ! Submergé par l’émotion j’éclate en sanglots. C’est le moment le plus fort de toute ma vie de voyageur. Le bonheur est tel qu’il efface instantanément toutes les souffrances des derniers mois.

Je l’ai fait ! Seul et sans assistance, en pleine pandémie du Covid, j’ai traversé l’Australie sur 6000 kilomètres.

Voilà… Vous en savez un peu plus sur l’expédition que j’ai vécue l’année dernière. J’espère qu’elle vous a plu. En attendant de vous retrouver pour de nouvelles aventures, vous pouvez même en découvrir le récit complet dans le livre ” Un Horizon Rouge “.

Une dernière chose… N’oubliez pas que les limites du réel sont bien plus lointaines que celles fixées par le raisonnable et surtout… Soyez assez naïf pour avoir des rêves, assez fou pour les croire possibles, assez obstinés pour les réaliser.

Pour poursuivre l’aventure, retrouvez moi dans le salon d’Eric Lange.


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